| Santé Sénégal | 16 décembre 2018 | Des scientifiques sont parvenus à éradiquer l’insecte responsable de la maladie du sommeil. La même technique va être utilisée sur l’île de l’Océan Indien contre le moustique-tigre, vecteur du chikungunya.
C’est une jolie victoire à laquelle viennent de contribuer des chercheurs français : l’éradication définitive de la mouche tsé-tsé dans une des plus importantes régions vivrières du Sénégal. Longtemps, pour les éleveurs des Niayes, zone au nord de Dakar qui concentre 80 % de la population du pays, cette mouche qui se nourrit du sang du bétail et leur transmet un redoutable parasite, le trypanosome, responsable chez l’homme de la maladie du sommeil, a été une véritable plaie.
« Lorsqu’on a commencé à intervenir, les éleveurs ne s’en sortaient plus. Leurs vaches perdaient du poids et produisaient à peine 1,5 litre de lait par jour. Ils ne pouvaient même plus s’en servir pour le labour, tant elles étaient affaiblies par la trypanosomiase », raconte Jérémy Bouyer qui a participé, en tant que vétérinaire au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), à cette campagne d’élimination.
Des mâles sont stérilisés
Après douze ans d’efforts, bingo ! La technique dite de l’insecte stérile (TIS) consistant à inonder cette zone de 1 000 km2 de millions de mouches mâles stérilisées par irradiation a porté ses fruits. Les Niayes viennent d’être très officiellement déclarées « zone libérée de la mouche tsé-tsé ». « On a fait venir par DHL des mouches produites en grande quantité dans deux laboratoires, l’un en Slovaquie, l’autre au Burkina Faso, puis on les a lâchés par avion », explique le chercheur, aujourd’hui détaché auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Et dans les Niayes, on revit : « Cela a permis aux éleveurs d’acheter des vaches plus productives : des prim’Holstein, des montbéliardes et de réduire la dépendance en lait du Sénégal », poursuit-il. Efficace sur la tsé-tsé, cette technique du TIS, le sera-t-elle sur le moustique-tigre pour combattre le chikungunya à la Réunion et lui éviter une nouvelle crise sanitaire majeure comme celle de 2006 (203 décès) ?
Voici près de 10 ans que dans son laboratoire de Saint-Denis, l’entomologiste médical et chercheur à l’IRD (Institut de recherche pour le développement) Louis Clément Gouagna y travaille. Un combat d’autant plus essentiel que l’espèce est désormais présente en métropole dans 42 départements. « Au début, on a eu un peu de mal à trouver pour ce type d’insectes la bonne dose d’irradiation. Les moustiques, parce qu’ils étaient trop affaiblis, n’arrivaient plus à engager la parade nuptiale. Mais maintenant, on maîtrise, on est prêts », assure le scientifique dans les starting-blocks.
300 000 moustiques irradiés par semaine
Son projet : monter localement une mini-usine à moustiques-tigres mâles irradiés !
« Pour que cela marche et parvenir à réguler la population à un niveau sanitairement acceptable, on estime qu’il faut relâcher cinq à dix fois plus de mâles stériles que de femelles sauvages présentes. Tout le défi va donc être de produire suffisamment de moustiques stérilisés. Il en faudra environ 300 000 par semaine. »
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Noyer, zone par zone, les secteurs de l’île où les moustiques-tigres pullulent et menacent les habitants, c’est la stratégie envisagée. « A partir de la fin du mois d’août, on prévoit un premier lâcher. On va profiter de la période hivernale durant laquelle leur population baisse. On cible deux petites zones habitées sur Saint-Denis d’environ 20 ha, en bordure de champs de canne. On en lâchera au sol 6 000 par hectare. On les aura exposés au préalable à une source de rayons X, de façon à ce que lorsqu’ils s’accouplent à des femelles, celles-ci n’aient aucune descendance », explique-t-il. La Réunion « officiellement libérée du chikungunya », ce serait un petit miracle !
source le parisien – Aline Gérard – Santé-Sénégal.com – le guide d’information de santé et prévention