Qu’est-ce que le microbiote?
Le terme «microbiote» désigne l’ensemble des micro-organismes -bactéries, virus, champignons et parasites vivant au sein d’un organisme sans pour autant lui nuire. L’essor de la biologie moléculaire et le développement du séquençage permettent désormais d’étudier de plus près les nombreuses espèces composant le microbiote intestinal, situé dans l’intestin grêle et le côlon. Le microbiote intestinal est le plus connu et le plus étudié de tous les microbiotes (lire plus loin). La nature de ce dernier varie selon les individus et leur est propre, un peu à la manière de notre ADN.
Le ventre, mais pas que
Présentes en nombre dans notre ventre, les bactéries colonisent également d’autres parties de notre corps. La peau, la bouche, le vagin et même les poumons que l’on croyait stériles abritent une flore microbienne, propre à chaque site anatomique. La découverte d’un microbiote pulmonaire, en l’absence même de signes infectieux, a été une vraie surprise, qui s’explique en partie par la difficulté de cultiver ces germes en dehors de leur milieu. Il semble que les bactéries que l’on trouve dans la bouche et dans la gorge influencent sa composition. De même, l’existence d’une maladie respiratoire (BPCO, fibrose pulmonaire, etc.) peut le modifier, à moins que ce soit l’inverse, autrement dit que ces maladies soient en partie causées ou favorisées par la composition du microbiote… Certains microbiotes pourraient par exemple nous protéger d’infections virales.
Le temps de la colonisation
Le nouveau-né passe d’un milieu stérile, dans le ventre de sa mère, à un monde peuplé de microbes dès sa venue au monde. Son microbiote se constitue rapidement et se modifie encore durant les premières années de vie. Cette période est donc déterminante. Tout commence à l’accouchement. Un bébé qui naît par voie basse est surtout colonisé par les germes de la flore vaginale de sa mère, tandis que le bébé né par césarienne est en contact avec les germes de sa flore cutanée. Une différence qui tend néanmoins à s’estomper autour des six mois de vie. D’autres facteurs entrent en jeu dans la nature du microbiote intestinal. L’allaitement maternel favorise par exemple la concentration de certaines bactéries au détriment d’autres. Mais aussi, plus globalement, l’environnement (ville, campagne, hygiène) dans lequel l’enfant grandit, la prise de médicaments (antibiotiques principalement) au cours des premières années, l’alimentation tout particulièrement, ainsi que le capital génétique dans une moindre mesure. La flore microbienne se diversifie peu à peu jusqu’à l’âge de 4 ans, après quoi elle tend à se stabiliser. Toutefois, même à l’âge adulte, nous gardons un certain pouvoir sur notre microbiote, puisque ce que nous mangeons influence sa composition. Pour préserver sa diversité, il est important de miser sur une alimentation variée, équilibrée et surtout non transformée.
Le chiffre
100 000 milliards: c’est le nombre de micro-organismes qui composent le microbiote intestinal. C’est deux à dix fois plus que le nombre de cellules de notre corps ! Le microbiote intestinal pèse deux kilos.
De multiples fonctions
Le tube digestif étant en constante communication avec le monde extérieur, son microbiote constitue en premier lieu une barrière contre les éléments pathogènes. Il occupe le terrain, empêchant ainsi la colonisation par d’autres germes. Ensuite, il assure un rôle central dans la digestion, puisqu’il permet l’assimilation des fibres, des lipides, des glucides, etc. ainsi que la métabolisation des aliments: «Les bactéries intestinales produisent de l’énergie, des vitamines, ainsi que de multiples substances particulières -les métabolites- qui ont des effets sur d’autres organes tels que le cœur, les reins, le cerveau, etc., avec lesquels elles communiquent», explique Vladimir Lazarevic, chercheur au laboratoire de génomique à la Faculté de médecine de l’Université de Genève. C’est précisément ce qui le rend fascinant: le microbiote est un véritable organe en soi, dont les fonctions dépassent la seule sphère intestinale. Il joue notamment un rôle essentiel dans les mécanismes de défense immunitaire. Vous l’ignoriez? L’intestin grêle est le premier réservoir de cellules immunitaires de notre organisme!
Un rôle dans l’apparition de maladies
Si on ignore encore à quoi ressemble le microbiote idéal, on observe toutefois des différences significatives entre la flore des individus en bonne santé et celle des malades. Ainsi, l’apparition de certaines maladies pourrait être liée à un déséquilibre (ou dysbiose) de la flore intestinale, avec une surreprésentation de certaines espèces au détriment d’autres. Ce mécanisme semble impliqué dans des maladies inflammatoires digestives (colite ulcéreuse, par exemple), cardiovasculaires, métaboliques (obésité), neurodégénératives (maladie de Parkinson, d’Alzheimer), respiratoires (asthme), que de troubles psychiques (anxiété, dépression) ou du développement (autisme). Des études menées chez les souris ont d’ailleurs montré qu’un stress important (séparation d’avec la mère) au début de la vie, entraîne une modification du microbiote intestinal (appauvrissement), conduisant à une plus grande vulnérabilité au stress et à l’anxiété à l’âge adulte. Une autre étude a montré des constantes dans le microbiote de personnes souffrant de dépression. L’axe intestin-cerveau fait d’ailleurs l’objet de nombreuses recherches. «Les mécanismes exacts expliquant les effets d’une dysbiose sur le cerveau ne sont pas encore clairement établis, mais il se pourrait que le microbiote module ces interactions par différentes voies, endocriniennes, immunitaires et neuronales», explique le Pr Jacques Schrenzel, responsable du Laboratoire de bactériologie des HUG. Mais restons prudents, car il s’agit le plus souvent d’associations et non de lien de causalité entre dysbioses et maladies.
Des espoirs thérapeutiques
La meilleure compréhension du rôle du microbiote intestinal fait naître de nouveaux espoirs diagnostiques et thérapeutiques. En corrigeant les déséquilibres de la flore intestinale grâce à des techniques comme la transplantation fécale ou l’administration de probiotiques et de prébiotiques**, les patients pourraient retrouver un état antérieur à la maladie. Des études concluantes existent chez la souris. Les applications restent toutefois très restreintes chez l’homme. L’application rationnelle des probiotiques ou des prébiotiques ne fait que débuter.
** Les probiotiques sont des micro-organismes vivants (bactéries, levures…) exerçant un effet bénéfique sur l’organisme qui les ingère. Le yaourt est par exemple un aliment probiotique. Les prébiotiques sont des substances non digestibles servant de substrat à la flore du côlon.
Par E. Lavigne
sante-senegal.com – le guide d’information de santé et prévention
Apprécier, partager ou prendre en compte l’environnement avant d’imprimer cet article