La confusion est fréquente, Covid-19 n’est pas le nom désignant le virus lui-même mais la maladie qu’il provoque.
Comment nommer un virus lorsqu’il surgit et contamine des milliers de gens ? D’abord appelé « coronavirus de Wuhan », du nom de la ville chinoise où il est apparu en décembre, le virus qui sévit depuis en Chine et ailleurs a ensuite été nommé « 2019-nCoV » (pour « nouveau coronavirus 2019 »), une désignation plus neutre mais temporaire. Ce n’est que le 11 février que le Comité international de taxonomie des virus (ICTV) a proposé de désigner le virus par « SARS-CoV-2 ».
Ne pas confondre le virus et la maladie qu’il engendre
L’erreur est fréquente : on confond volontiers virus et maladie. Mais il s’agit de deux termes différents, comme le virus du VIH (virus de l’immunodéficience humaine) porte un nom différent de la maladie qu’il cause, le sida (syndrome d’immunodéficience acquise).
Dans le cas de l’épidémie qui sévit depuis décembre, il faut distinguer :
– le virus, désormais dénommé SARS-CoV-2. Il s’agit de l’agent pathogène qui se transmet d’humain à humain ;
– la maladie respiratoire parfois mortelle engendrée par le virus, désignée par le terme Covid-19, pour Coronavirus Disease 2019, par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le même jour.
Nommer les maladies, un exercice d’équilibriste pour l’OMS
C’est à l’OMS que revient la responsabilité de donner des noms aux nouvelles maladies, en prenant soin que personne ne soit stigmatisé. « Nous devions trouver un nom qui ne se réfère pas à un endroit géographique, un animal, une personne, un groupe humain et qui soit facilement prononçable », a précisé Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’organisation onusienne, lors d’une conférence de presse le 11 février.
L’OMS s’est en effet dotée de règles pour nommer les maladies, qu’elle a communiquées en mai 2015, enjoignant aux autorités nationales, aux scientifiques et aux médias d’éviter les effets néfastes produits par des noms liant populations ou territoires particuliers à des maladies. Le docteur Keiji Fukuda, sous-directeur chargé de la sécurité sanitaire à l’OMS, avait alors déclaré : « Cela peut sembler anecdotique, mais la dénomination des maladies a une importance réelle pour les personnes directement touchées. On a déjà vu des noms de maladies déclencher des réactions brutales à l’encontre de certaines communautés ethniques ou religieuses, créer des obstacles injustifiés aux déplacements et au commerce et provoquer l’abattage inutile d’animaux destinés à la consommation. Cela peut avoir de sérieuses répercussions sur la vie des gens. »
Le nom final de la maladie est ensuite publié dans la classification internationale des maladies (CIM), un document dans lequel l’OMS recense toutes les maladies connues et leurs symptômes.
Il est ainsi conseillé d’éviter d’utiliser les noms de groupes humains, mais aussi de personnes (comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob, qui porte le nom des neurologues qui l’ont découverte) ou de termes qui induisent la peur, mais au contraire d’utiliser des termes génériques liés aux symptômes de la maladie (« diarrhée », « neurologique », « respiratoire ») et à ses propriétés (« sévère », « juvénile », « hivernale », etc.).
SARS-CoV-2, un nom scientifique qui divise
Ce sont les virologistes eux-mêmes qui proposent et s’accordent sur le nom par lequel on désigne un virus. L’ICTV est quant à lui chargé de classifier les virus par taxons, c’est-à-dire de les ranger dans l’arbre du vivant.
Le groupe d’étude des coronavirus de l’ICTV a proposé officiellement d’appeler le nouveau coronavirus « SARS-CoV-2 ». Cette désignation s’explique par la façon dont sont classés les virus et peut paraître étrange car ce virus n’entraîne pas le SRAS, une maladie engendrée par un virus en 2003 (syndrome respiratoire aigu sévère, désigné par l’acronyme SARS en anglais et SRAS en français).
Dans une publication mise en ligne le 11 février, le groupe d’étude explique l’avoir choisi car l’étude du virus le place dans une espèce de coronavirus déjà connue, l’espèce des virus liés au syndrome respiratoire aigu sévère. On y retrouve donc le virus responsable de la maladie appelée SRAS de 2002-2003, mais aussi plusieurs centaines d’autres virus isolés chez des humains et des chauves-souris depuis, dont tous les noms sont dérivés de celui de 2003 (SARS-CoV).
L’OMS ne veut pas parler de SARS-CoV-2
Mais si la proximité génétique du virus actuel avec son cousin de 2003 semble être suffisante pour l’ICTV, le choix du comité de réutiliser l’appellation « SARS » semble embarrasser l’OMS, pour qui le risque de confusion est réel. « Du point de vue de la communication, utiliser le nom SRAS peut avoir des conséquences indésirables et créer une peur inutile pour certaines populations, surtout en Asie, qui a été la plus touchée par l’épidémie de SRAS en 2003 », a ainsi déclaré un porte-parole de l’OMS au magazine Science, précisant que, « pour cette raison et d’autres, l’OMS utilisera “le virus responsable de la maladie Covid-19” ou “le virus de la maladie Covid-19” dans sa communication publique ».
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L’absence de coordination entre les deux organisations, alors qu’elles ont annoncé leurs propositions à quelques heures d’intervalle et qu’elles s’accordent toutes les deux sur l’importance de bien nommer maladies et virus, est ainsi jugée incompréhensible par une partie des virologistes. L’autrice principale de l’article de l’ICTV a ainsi admis que le choix de l’instance pouvait être « déroutant ». Le président de l’ICTV, le virologiste John Zieburg, a lui-même tenté de mettre les choses au clair :
« Il est important de préciser que ce nom n’est pas une référence à la maladie que le virus cause. Il n’y a aucun lien entre le nom et la maladie du SRAS, c’est toute la difficulté à laquelle l’OMS est confrontée. »
Malgré cela, plusieurs centres de virologie, tels que le Centre pour la recherche sur les maladies infectieuses de l’université du Minnesota, ont déclaré ne pas vouloir utiliser le nom retenu par l’ICTV, ce qui ne sera pas sans ajouter un peu de confusion au sein même du monde universitaire.
Par Gary Dagorn
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